Les briquets du souvenir

Le soldat qui cherchait un briquet gravé pour en faire un cadeau ou tout simplement ramener un souvenir de son année passée au Viêt-Nam pouvait s'en procurer sur les trottoirs de Saigon ou dans les boutiques de l'aéroport de Tan Son Nhut.

Les Post Exchanges (P.X.) proposaient une cinquantaine de briquets par jour alors que la demande était dix fois supérieure. Aussi le marché noir alimentait le besoin en zippos des soldats.

Zippo neuf dans sa boîte ramené en souvenir (gravure superficielle)

Au box office du troc le briquet zippo arrivait en tête de l'objet le plus convoité. Il était donné en cadeau à une prostituée en paiement de ses services et tout de suite revendu au marché noir par celle-ci. Il était souvent l'enjeu d'une partie de poker et le vainqueur le revendait au marché noir, ainsi la boucle était bouclée.

Le prix de vente au USA était de 2$75 en 1968 et seulement 1$75 dans les post exchanges. Le prix au marché noir ou dans les boutiques des trottoirs oscillait entre 15 et 25 $. Certains jours les soldats faisaient la queue devant la boutique d'un graveur et s'il n'y avait plus de zippo à vendre, ils se rabattaient sur des copies japonaises ou coréennes de marque zénith, Penguin ou Vulcain.

Le célèbre "La femme à l'oiseau" gravé sur un briquet Zénith . Si vous retournez le briquet, vous avez une autre image. Le Memory of Japan est un cadeau de mon ami James. Il est la plus ancienne version de ceux gravés au pentographe au Viet-Nam. Cette gravure a été réalisée au Japon ou les PX existaient.

Le briquet zippo était plus recherché et revendu trois fois plus cher que les briquets japonais. Les vietnamiens ont compris très vite l'intérêt de fabriquer des copies parfaites. Les soldats n'avaient pas une grande connaissance des codes de fabrication portés par l'usine aussi ils attachaient plus d'importance à l'aspect du marquage. Si le sigle était correct alors le briquet ne pouvait qu'être correct.

Les premières copies apparurent dès 1966, une matrice et un poinçon d'emboutissage reproduisaient la gravure en relief sur des briquets en laiton chromé de fabrication chinoise. Les soldats recevaient un vrai zippo et parfois une copie. Tous ces briquets font partie de l'histoire du Viêt-nam et peuvent trouver place dans une collection.

Un autre moyen pour se procurer un zippo au Viêt-nam était de passer directement une commande à l'usine de Bradford. Les soldats en place dans les différents QG (les fameux R.E.M.F. surnommés par les GI's Rear Echelon Mother Fuckers) avaient accès à ces commandes spéciales gravées à l'effigie des unités. Ils sont particulièrement recherchés par les collectionneurs qui à tort pensent qu'ils ne peuvent être faux. C'est une grave erreur les japonais et surtout les coréens imitaient parfaitement les gravures réalisées à l'acide par l’usine de Bradford.

Briquets gravés à Saigon et ramenés en souvenir à la fin de l'année passée au Viêt-nam (1966)

Les marines étaient plus souvent engagés dans les combats et avaient très peu de temps pour accéder aux "P.X." .en général ils n'avaient pas leurs briquets gravés. Lors de la vietnamisation du conflit (le 8 juin 1969) , les troupes étaient concentrées aux Philippines sur la base de Subic Bay avant leur départ pour les Etats Unis. Les soldats avaient alors la possibilité de faire graver leurs Zippos dans les boutiques de souvenirs. Les gravures réalisées ont des motifs différents de ceux rencontrés sur les briquets gravés au Viêt-nam et les gravures ne pénètrent pas aussi profondément dans le laiton. Ces briquets font partie de l'histoire et peuvent trouver place dans une collection.

Les soldats de l'armée Sud Vietnamienne avaient leur zippos personnalisés. Il avaient accès aux PX et, si la chance leur souriait, il pouvaient acheter un zippo. De nombreux soldats en ont donné en cadeaux à leurs compagnons d'armes. (Cadeau se dit Than Tang en Vietnamien)

Zippo des forces spéciales sud Vietnamienne. QLVNCH pour Quan Luc Viet Nam Cong Hoa


J'ai récupéré un zippo offert par un gars de l'Oklahoma à un soldat de l'armée du Sud Vietnam. Sur la face avant il y a une pub pour une société de location de résidences. Ce briquet a été gravé au dos avec le nom du propriétaire sa ville et son régiment. Nguyen ---- ---- Long Ho, Vinh Long. La référence à son unité a été grattée. L'histoire de Nguyen est édifiante. A l'effondrement du sud, il combattait avec le 15 th régiment de la 9th division d'infanterie dans la région de Rach Gia. Il fut fait prisonnier avec sa section et conduit dans un camp de rééducation en pays Hmong. Lors de la guerre contre les Khmers rouges, il est enrôlé de force et doit combattre avec des armes primitives un ennemi supérieur et mieux armé. Les cadres politiques se méfient de ces " contre révolutionnaires " et les utilisent comme chair à canons. Blessé par l'éclatement d'une grenade au cours d'un assaut meurtrier, il est soigné avec de l'aspirine. Il comprend que sa seule chance est la fuite et bientôt il se retrouve en mer de chine sur une jonque. Après des jours de folie, il est recueilli avec ses compagnons par un bateau Français. Il vit depuis en région parisienne, gagnant sa vie en dépannant des installation de chauffage. Il m'a offert ce zippo et une partie de son histoire. Aujourd'hui, il aspire à une retraite heureuse là-bas, chez lui. Ce briquet était la seule chose qui le rattachait à son passé. Posséder un objet si compromettant était passible de " mort lente " dans un camp, aussi me dit-il, tous ses amis se sont débarrassé de ces souvenirs qui pouvaient faire le lien avec leur passé et leurs relations avec les forces Américaines.

La peur de posséder n'importe quel objet comme un zippo était si grande qu'ils les ont jeté ou caché avant d'être capturé et interné par les troupes du Nord Vietnam. Merci à Mr Nguyen pour son courage, non seulement pour ce remarquable zippo mais aussi de m'avoir raconter son histoire.


Il était courant pour un soldat d'avoir un zippo publicitaire. Souvent les compagnies américaines envoyaient des colis aux soldats avec de la nourriture et des petits outils à utiliser sur le terrain. Beaucoup de ces paquets contenaient des cadeaux publicitaires briquets, couteaux de poche etc. Un GI a reçu un de ces paquets avec un zippo , son frère travaillait pour Harley Davidson. C'est pourquoi vous trouvez des zippo publicitaires avec des gravures faites au Vietnam.

Le zippo de Mr Nguyen (J'ai volontairement masqué son nom complet)